Jean Rocan, pionnier du jeûne hygiéniste
Le pionnier de la pratique du jeûne intégral au Canada est Jean Rocan, un biologiste diplômé de l’Université de Montréal qui a ouvert le premier centre de jeûne au Canada en 1977. Il s’agissait alors d’un mouvement marginal. Rocan s’était relevé de graves problèmes de santé grâce à un séjour de jeuné au Dr Shelton Health School. Il avait étudié le jeûne directement avec Herbert Shelton et dans les ouvrages d’autres médecins américains tels que John Tilden et D.H. Dewey. Il était convaincu que le jeûne demeurait la pratique la plus efficace et la plus naturelle pour rétablir la santé. Rocan avait intégré la pratique du jeûne dans sa vie personnelle. Il rêvait d’implanter la thérapie du jeûne dans les hôpitaux du Canada. Mais son travail acharné ne lui permettra pas de réaliser son rêve : le Collège des médecins du Québec a toujours refusé de considérer le jeûne comme une thérapie scientifiquement valide.
Biographie
Né en 1911, Jean Rocan a grandi à Montréal, dans la province de Québec, à une époque où les conditions économiques du pays étaient fort peu reluisantes : son père, imprimeur et musicien, pratiquait deux métiers pour nourrir une famille de sept enfants.
Mais à la fin de la première guerre mondiale, la mère de Rocan a été emportée par la grippe espagnole, qui a fait des milliers de victimes au Canada. Placé dans un orphelinat à l’âge de huit ans, la santé de Rocan a dépéri : à la suite d’une péritonite aigüe, la directioon de l’orphelinat l’a envoyé sur une ferme maraîchère pendant les vacances d’été où, nourri d’aliments frais, il a rapidement constaté une nette amélioration de sa santé. Ce fut le point tournant de sa pensée scientifique : il fut alors convaincu que le corps humain a la capacité de se guérir lui-même lorsque les conditions de vie sont appropriées et que les besoins physiologiques de base sont comblés : aliments frais, repos, exercice, air pur.
Il a poursuivi ses études universitaires, s’est marié et a fondé une famille. Mais les conditions économiques de l’entre-deux guerres l’ont forcé à interrompre ses études et à exercer divers métiers. Puis la guerre 39-45 a éclaté. Il a temporairement travaillé comme inspecteur dans l’avionnerie.
À la fin de la guerre il a pu enfin reprendre les études universitaires qu’il n’avait pas complétées. Il voulait enfin pratiquer le métier de ses rêves : être un médecin hygiéniste. Un médecin qui fait jeûner ses patients et leur enseigne à bien se nourrir pour vivre en santé. Mais sa demande d’admission à l’Université a été refusée : sa pensée dissonante n’a pas plu aux examinateurs chargés de sélectionner les nouveaux étudiants. Il s’est donc tourné vers la biologie pour améliorer ses connaissances de la physiologie humaine. Puis il est devenir professeur de biologie dans des institutions pré universitaires jusqu’à l’âge vénérable de la retraite obligatoire : 65 ans. Et c’est à cet âge que Rocan a fait l’acquisition d’une ferme de 100 hectares pour y instaurer, en 1977, son centre de jeûne, la Ferme Rocan.
La méthode de jeûne hygiéniste
Rocan appliquait la méthode qu’il avait apprise de Shelton. Cette méthode était fort simple : un jeûne est un repos physiologique complet et il se déroule surtout allongé dans un lit confortable. Le jeûneur ne boit que de l’eau pure, sans additifs ou suppléments. L’exercice physique est proscrit : le jeûneur doit conserver ses énergies pour que se déploie l’autolyse, l’action métabolique du corps humain qui se nourrit de ses mauvaises réserves et de ses tissus endommagés et qui, ainsi se régénère, tisse un tissu neuf.
Rocan a jeûné tout au long de sa vie pour se remettre de la fatigue ou du stress accumulés. Il appliquait ce qu’il a enseigné, tout au long de sa carrière : l’organisme se connait lui-même et il est le propre architecte de sa guérison.
Les jeuneurs qui fréquentent la Ferme Rocan sont donc traités en personnes autonomes qui prennent leur santé en mains et s’accordent un repos physiologique complet pour se refaire une santé. Ce n’est pas un centre médical : on ne fait pas de prises de sang ou d’autres tests médicaux pour vérifier l’état du jeûneur.
Rocan n’est pas médecin. Chaque jour il visite ses jeûneurs en leur expliquant les réactions inhérentes à la pratique du jeûne. Toute personne qui est en cure y séjourne de façon volontaire car elle est en charge de sa propre guérison. Quand une personne désire interrompre son jeûne, elle est donc libre de le faire, mais elle doit suivre un programme minimal de reprise progressive de l’alimentation et des activités physiques avant de retourner chez elle.
Science, expérience et compétence
Rocan puisait ses sources d’information sur la pratique du jeûne à même ses lectures sur la physiologie humaine, mais il s’inspirait également des écrits d’Herbert Shelton, que Rocan a rencontré au Texas dans les années 60, et d’Albert Mosséri, un hygiéniste français. Il connaissait l’histoire du docteur Nicolaiev qui, en Russie, avait découvert les effets thérapeutiques du jeûne quand un patient schizophrène qui refusait de manger avait guéri de sa maladie mentale. Mais il était difficile d’en savoir davantage sur les activités du Dr Nicolaiev à cause de la barrière de la langue.
Rocan a consigné dans un bouquin les principes qui guidaient sa pratique; ce livre, dont le titre était Médecine de demain résumait les règles de base de la physiologie humaine et incluait un chapitre consacré au jeûne et à la pensée hygiéniste. Il a toujours recommandé le jeûne intégral, où le jeûneur ne boit que de l’eau pure. Dans certains cas de maigreur importante, il recommandait parfois la prise de jus de fruits pour atténuer la perte de poids.
Près de 15,000 personnes ont séjourné à la Ferme Rocan, jusqu’à ce que Rocan, âgé de 90 ans, se retire, passablement épuisé de sa longue aventure.
Litige, condamnation puis acquittement
Ses démêlés avec le Collège des médecins ont atteint un sommet quand l’un des jeûneurs qui séjournaient dans son centre est décédé en 1984 à l’étape de la récupération. Cet homme de 57 ans, affublé de problèmes cardiaques majeurs non déclarés, a été trouvé sans vie, allongé dans son lit.
Les média se sont emparés de l’affaire et le Collège des médecins a sévi. Des dossiers ont été saisis et Rocan a été trouvé coupable d’exercice illégal de la médecine. Les journaux populaires de l’époque ont rapporté cet événement avec sensationnalisme, en titrant Le jeûne qui tue.
Rocan a cependant été disculpé de toute responsabilité à l’égard du décès survenu dans son centre de jeûne car le pathologiste qui a pratiqué l’autopsie de l’homme décédé a commenté que « Cet homme était un mort ambulant, qui pouvait mourir à tout moment ». Mais il ne faut pas mourir dans un centre de jeûne!
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Le centre de jeûne a continué à fonctionner, mais avec une baisse de 30% de la clientèle.
Il ne fallait jamais déclarer publiquement que le jeûne est thérapeutique : les autorités médicales toléraient que des gens se reposent dans un centre de jeûne mais il fallait taire tout effet bénéfique et thérapeutique relatif à cette pratique. Et pour éviter de pratiquer illégalement la médecine, il était préférable de ne pas établir de dossiers de type médical.
Rocan ne faisait donc aucun suivi sur l’état de santé des personnes après le jeûne. Mais il ne se désolait pas de cette situation car il croyait qu’ultimement, toute personne est responsable de sa santé et de ses choix de vie. Certes maintes personnes ayant amélioré leur état de santé donnaient des nouvelles, mais aucun suivi n’était compilé de manière méthodique.
Le jeûne type à la Ferme Rocan
Le jeûne se déroule principalement au lit. Les activités physiques requièrent beaucoup d’énergie et nuisent au processus de régénération par l’autolyse. L’éventuelle faiblesse qui découle de l’inactivité physique est considérée comme une étape valable du jeûne. C’est l’activité métabolique de l’autolyse qui prime.
La pratique du jeûne est basée sur la capacité que possède tout organisme humain de se régénérer et de s’auto-guérir. Cependant, certaines personnes ne possèdent plus ce pouvoir d’auto-guérison : entre autres, la prise prolongée de médicaments peut créer une dépendance médicamenteuse irréversible.
Évidemment, la prise de médicaments est interdite pendant le jeûne. Les personnes qui désirent faire un jeûne à la Ferme Rocan doivent donc avoir la capacité physiologique de jeûner et de pouvoir se sevrer de toute médication. Cette exigence exclut les diabétiques insulinodépendants, certaines personnes souffrant d’épilepsie, des personnes qui consomment des médicaments antirejet ou souffrant de cancers généralisés.
Le superviseur du jeûne se fait par des visites quotidiennes à la chambre de chaque jeûneur. Les principaux indices observés sont : la perte de poids, la tention artérielle, les sensations observées, le tonus général du jeuneur, l’état de son teint, sa langue, son haleine, ses yeux, son élimination. Un état de faiblesse extrême n’est pas considéré comme étant normal.
Les signes d’autolyse sont propres à chaque personne. En général, les personnes en jeûne ont la langue blanche et une haleine fétide, des urines malodorantes, une odeur corporelle forte. Mais les signes d’autolyse sont aussi propres à l’état physiologique de chaque jeuneur. Le mal de rein pendant les premiers jours trahit des reins surchargés, les maux de tête surviennent chez les gens qui souffrent déjà de migraines ou sont sous l’effet du sevrage du café, les nausées chez les gens qui souffrent de troubles digestifs. En général, le jeuneur reconnait ces signes d’élimination qui survient en jeûne car il les a déjà connus dans sa vie antérieure. Il comprend que l’organisme fait toujours des tentatives d’élimination qui sont rarement menées à terme à cause du rythme de vie trépidant des sociétés occidentales. Le jeûne est le temps d’arrêt qui permet de compléter une élimination ou réparer pour de bon un tissu endommagé.
Résultats
Le jeûne est très efficace lorsque l’état maladif est réversible, quand l’organisme a conservé la capacité de se régénérer. Les problèmes de santé liés aux troubles de la digestion se résolvent généralement bien par le jeûne : les organes digestifs libérés de leurs fonctions quotidiennes peuvent enfin se régénérer.
Aussi, le jeûne s’avère particulièrement efficace dans les cas d’hypertension, d’arthrite, d’allergies, d’hypercholestérolémie.
Les cas de cancer aux stades avancés sont plus difficiles à prévoir; l’état général, la vitalité, le type de cancer et son niveau de progression doivent être pris en compte. Les cas de cancer généralisé sont pratiquement intraitables par la pratique du jeûne.
La période de transition
La phase de la récupération qui suit le jeûne est cruciale : la reprise de l’alimentation et des activités physiques et professionnelles est progressive et supervisée. Pendant les trois premiers jours de réalimentation le jeuneur consomme des jus et des fruits acides et mi-acides; le troisième soir, il mange une salade de verdures. Au quatrième jour il ajoute à son menu un yaourt ou un avocat. Puis le menu devient de plus en plus complet au fil des jours. La période de récupération est égale à la durée du jeûne. L’exercice physique reprend graduellement à partir du troisième jour.
Fondements biologiques du jeûne
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La puissance du jeûne repose essentiellement sur la tendance naturelle que possède l’organisme humain à se maintenir en bonne santé quand ses besoins physiologiques sont comblés. La maladie est considéré comme un dérèglement résultant du non respect des lois physiologiques qui régissent la santé de l’homme : trop de nourriture ou une nourriture déséquilibrée, trop de stress, pas assez de repos chronique, pas assez d’activité physique, des habitudes nocives telles le tabagisme ou la prise de drogues (douces ou dures) ou d’alcool.
La pratique du jeûne est donc associée à la mise en oeuvre d’un mode de vie sain qui permet à l’organisme d’être épanoui, sain et énergique : ce mode de vie est l’hygiénisme, ou l’hygiène naturelle.
L’alimentation de base est donc la plus naturelle possible : fruits, légumes, noix crus ou peu cuits, des repas simples, des aliments adéquatement combinés, un rythme de vie régulier et équilibré travail-repos-loisirs, peu ou pas de viande, de sucreries et d’aliments incluant des agents de conservation chimiques, etc.
Une personne qui mène une vie équilibrée serait donc rarement « malade » : en hygiène naturelle, la maladie est plutôt appelée la « toxémie », qui résulte de l’accumulation de déchets métaboliques due à une mauvaise alimentation et au manque d’activité et de repos. Le jeûne permet alors à l’organisme d’éliminer les toxines accumulées et réparer l’usure précoce des organes surmenés.
Les personnes qui choisissent de jeûner tentent le plus souvent d’améliorer et de simplifier leurs habitudes de vie après le jeûne. Mais en Amérique du Nord, la surconsommation, le rythme de vie effréné ou la pollution environnementale créent des obstacles à l’amélioration du mode de vie. L’hygiénisme y est perçu comme étant un mode de vie ennuyeux, peu attirant; le jeûne est encore perçu comme une pratique extrême.
Héritage
Même après le décès de Jean Rocan à l’âge de 91 ans, le jeûne continue d’être pratiqué, à petite échelle, dans des centres privés sous la supervision de naturopathes ou d’infirmiers. Les médecins refusent toujours d’y rattacher une valeur thérapeutique. Mais les gens qui pratiquent le jeûne en connaissent intimement les bienfaits. La pratique du jeûne est peut-être le chemin le moins fréquenté, mais ceux qui choisissent cette voie en bénéficient tant psychologiquement que physiologiquement. Quoi de plus satisfaisant que de se nourrir de son mauvais cholestérol et de vivifier ses organes au lieu de devenir pharmacodépendant!
Centres de jeûne au Canada
· Adèle Arsenault, Une infirmière autrefois collaboratrice de Jean Rocan, organise des sessions de jeûne sur le site de l’ancienne Ferme Rocan en se conformant à la méthode de Jean Rocan : jeûne intégral et repos complet.
· La maison de santé du Lac Brome, http://www.jeuneintegral.com/ – organise des séjours de 10 jours, dont 7 jours de jeûne et 3 jours de réalimentation; les jeuneurs peuvent demeurer actifs, se promener, visiter les environs
· Marcel Boivin, dirige à Saguenay, depuis 30 ans le Centre de santé et de repos total. http://centre-sante.marcelboivin.qc.ca/. Il offre des séjours de jeûne intégral, demi-jeûne et vacances santé :