À propos

Jacques Lalanne

Jacques Lalanne

Mon expérience comme naturopathe, éducateur de santé

Jusqu’à mes 18 ans je ne m’étais pas préoccupé de ma santé : je faisais ce que j’avais appris dans ma famille et à l’école. À 15 ans, j’ai cessé de prendre le vaccin gratuit contre la grippe qu’on nous offrait au collège. Et cette année-là, contrairement aux années précédentes, je n’ai pas eu la grippe ! Il y eut une épidémie au collège qui ferma 10 jours, pendant lesquels je suis allé cueillir des pommes. Avec mon salaire de cueilleur, j’ai acheté ma première machine à écrire !

À 18 ans, je me suis porté volontaire pour aller travailler dans une coopérative en Amérique latine. Avant de partir, nous avons rencontré un bienfaiteur qui nous a parlé de la Providence, du végétarisme et du jeûne. Intrigué par sa forme et son énergie, j’ai suivi son conseil et me suis procuré deux livres qui ont orienté ma santé et ma vie : Le jeûne de Herbert Shelton et Vivre sain de Raymond Dextreit.

Le jeûne et Vivre sain

Le premier livre décrivait un procédé qui m’apparaissait alors révolutionnaire pour garder son organisme en équilibre et pour le guérir. Il s’appuyait sur des décennies d’expérience auprès de dizaines de milliers de jeûneurs que l’auteur avait supervisés. Il s’appuyait aussi sur des siècles d’usage de ce repos physiologique, avec ses avantages nombreux pour l’organisme et ses différents systèmes et organes. Je voulais tout de suite en faire l’expérience et mon premier jour jeûne de cinq jours s’avéra bénéfique.

Le deuxième livre décrivait les risques de la vie moderne avec l’habitude de fumer, de consommer de l’alcool, de vivre la nuit, de se nourrir d’aliments traités, industrialisés, chimifiés, etc. il soulignait les dangers de la vie dans les villes polluées et surpeuplées. Il proposait surtout un mode de vie sain complet comprenant tous les aspects, alimentation, activité physique, le grand air, le soleil, la propreté et l’attitude constructive. À la fin de la lecture de ce livre, j’étais convaincu du bienfait du végétarisme et je devins aussitôt végétarien. J’en ressentais des bienfaits : j’avais plus d’énergie, je digérais plus facilement, et je ne ressentais plus aucun des malaises courants qu’on considère normaux. Par exemple, depuis maintenant plus de 60 ans je n’ai jamais eu mal à la tête, au ventre, à l’estomac, etc.

La lecture de ces ouvrages m’avait convaincu qu’il y avait là non seulement des pratiques bénéfiques pour la santé de tout un chacun au jour le jour mais aussi une science à approfondir et une expérience à explorer. Une travailleuse sociale du groupe me présenta son père qui était végétarien depuis des décennies, qui, à son tour, me présenta à son naturopathe. Je découvrais en ce pays que la profession de naturopathe, conseiller en méthode naturelle de santé, existait et que nombreux étaient les gens qui recouraient à ses services. Non seulement recevait-t-il en consultation des gens dans son cabinet, mais aussi il leur donnait des cours, des conférences ; il avait publié un livre et m’en avait recommandé plusieurs autres. Dans mes temps libres j’étudiais les livres qu’il m’avait prêtés. Je me souviens en particulier d’un de ses collègues qui s’était nourri de jus de fruits et de légumes, immédiatement extraits de son verger et de son potager, pendant 105 jours. Je me souviens de sa photo avant, où il avait les cheveux blancs, sa photo au début la tête rasée, puis sa photo après, où il avait les cheveux noirs.

C’était devenu mon champ d’intérêt secondaire, juste après celui de l’action sociale coopérative. J’y consacrais beaucoup de mes temps libres. J’ai trouvé dans des librairies et chez les bouquinistes de nombreux livres écrits sur ce sujet. Je soulignais, je prenais des notes, je faisais des résumés.

À la fin de mon séjour en Amérique latine, j’ai fait un deuxième jeûne de 10 jours : je me sentais léger, l’esprit vif, je prenais du soleil tous les jours et je consacrais plusieurs heures à la traduction d’un ouvrage sur les coopératives de l’espagnol au français. Depuis, j’ai jeûné 23 fois, la plupart du temps 14 jours, une fois 30 jours. J’ai visité plusieurs centres de jeûne, j’ai suivi des cours et fait des stages avec les experts superviseurs de jeûne. J’ai fait des recherches dans plusieurs pays à ce sujet et publier Osez le jeûne, le premier livre qui donne les résultats d’expériences scientifiques d’observation du jeûne.

Revenu au Québec j’ai cherché des gens intéressés à la santé par les méthodes naturelles. J’ai découvert l’Association québécoise d’hygiène naturelle. Je suis devenu membre puis membre du conseil d’administration.

Cette association faisait de l’éducation populaire en santé naturelle par des conférences une fois par mois, un service de librairie –nous importions ces livres d’un petit éditeur de France à cette époque où on ne trouvait en librairie aucun livre sur la santé naturelle. Nous avions des conférenciers invités sur tous les sujets d’intérêt en santé naturelle, de l’agrobiologie à l’alimentation en passant par l’activité physique, l’équilibre émotionnel, le repos, la détente, la relaxation, les vacances à la campagne, considérées comme un facteur essentiel. Nous faisions partie de l’école hygiéniste, dont je me réclame encore. L’hygiénisme affirme que l’hygiène, l’ensemble de nos habitudes de vie, reste le facteur essentiel pour acquérir, maintenir et retrouver la santé. C’était surtout une position philosophique : par exemple, nous expliquions que l’observation de la biologie humaine démontre que nous sommes construits pour nous alimenter de végétaux, pour vivre le jour, pour bouger beaucoup, nous exposer au soleil régulièrement, nous reproduire etc. La réponse était dans la Nature. On réglait rapidement la question des vitamines en comprimés en affirmant qu’il n’y avait pas de comprimés dans la nature, que la Nature nous offre tout ce dont nous avions besoin pour nous nourrir.

Bien sûr nous étions la risée de plusieurs qui se disaient de l’école scientifique. Nous préconisions d’éviter les additifs alimentaires, les gras chauffés, les gars trans, de réduire le sel le sucre, d’éviter les boissons gazeuses etc. De nos jours, ces affirmations sont reconnues comme tout à fait sensées. Nous savions que « Nous étions en avant de notre temps » et que, comme disait Victor Hugo, « Rien n’est plus puissant qu’une idée dont le temps est venu ! »

Mes études en naturopathie

Devenu instituteur, j’avais du temps pour étudier durant les vacances d’été, les congés au cours de l’année et j’y consacrais aussi une bonne partie de mes week-ends. J’ai lu des centaines de livres sur les méthodes naturelles de santé authentique. Après avoir cherché une école pour me former en naturopathie, j’ai découvert une faculté à l’université d’Édimbourg dirigée par Leslie Thompson. Je songeais à y aller mais le voyage, la pension, et les études pendant quatre ans représentaient un déboursé que je ne pouvais me permettre.

Mon deuxième choix professionnel était alors de devenir superviseur de jeûne. Je suis donc allé chez Shelton, l’expert mondial en ce domaine. J’ai pu discuter avec lui, jeûner un certain temps, voir comment fonctionnait son école de santé et comment il assurait la supervision des jeûneurs. En plus des rencontres individuelles quotidiennes, il donnait à chaque semaine une conférence sur un aspect de la santé. C’était présenté dans un langage simple : nous découvrions comment gérer nous-mêmes notre santé avec ses indications. Son approche m’avait confirmé qu’une action professionnelle en santé doit comporter une grande part d’éducation et que, comme professionnels, nous devions maîtriser l’art et la science de la pédagogie.

Comme deuxième choix, j’ai découvert des écoles d’études en méthode naturelle par correspondance. J’ai ainsi étudié avec plusieurs professeurs, d’abord aux États-Unis, ensuite en Angleterre, et surtout à l’Institut de recherche orthobiologique et orthopsychologique, dirigé par le professeur André Passebecq en France. Il était l’auteur de plusieurs livres que j’avais déjà lus, certains étant des briques de 900 pages. J’étais abonné à sa revue mensuelle Vie et action et j’appréciais son approche qui prenait en compte les facteurs biologiques, psychologiques, professionnels et sociaux de la santé. Les cours qu’il offrait étaient solides, documentés, étoffés et les travaux exigeants. Ce sont les mêmes cours qu’il a donnés quelques années plus tard à l’université de Paris-XIII à Bobigny dans le nouveau programme de naturothérapie, offert aux médecins et autres professionnels de la santé diplômés de l’université.

Comme tout étudiant régulier, je prenais plusieurs cours à chaque trimestre, et je redoublais d’activité au cours de l’été. Je me voyais dans les années à venir posséder assez de connaissances pour faire carrière comme professionnel de la santé.

Comme j’étais déjà instituteur j’ai considéré que l’éducation physique était un domaine où je pourrais contribuer à la santé des jeunes en particulier. J’ai donc étudié plusieurs années à l’université pour décrocher un baccalauréat en pédagogie, avec spécialité en éducation physique.

Déménagé dans la ville de Québec pour poursuivre mes études, j’y ai fondé un chapitre nouveau de l’Association québécoise d’hygiène naturelle. Nous avions aussi des conférenciers invités, un service de librairie, un service de référence. Et cette fois non seulement je dirigeais l’association mais je devenais l’un des conférenciers, apprécié par les nouveaux sujets que j’y apportais, notamment les différentes formes d’activité physique, le jeûne, l’éducation à la santé. Avant mes études, comme Monsieur et Madame tout le monde, quand je pensais activité physique je pensais muscles, c’est-à-dire les muscles les plus visibles. Dans ces études, j’ai découvert que le premier bienfait de l’activité physique c’est d’assurer la vigueur du cœur, des poumons et de tout le système circulatoire. J’ai participé à une recherche sur l’amélioration de la capacité cardio-vasculaire par un programme d’entraînement de 30 minutes en endurance, cinq fois par semaine, pendant huit semaines. Ma capacité maximale d’oxygène s’est alors améliorée considérablement. Ce sujet me passionnait, je voulais partager cette découverte avec un grand public : j’ai donc écrit mon premier livre Un cœur neuf sans greffe. J’y démontrais, recherches à l’appui, qu’on peut améliorer la vitalité de son système cardio-vasculaire par l’activité physique. Et que… il vaut mieux prendre l’escalier et éviter l’ascenseur !

J’ai été le deuxième à enseigner l’éducation physique à l’école primaire au Québec. J’ai fait partie de l’équipe qui a conçu et enseigné le premier programme de formation en éducation physique destiné aux enseignants de l’école primaire. J’ai conçu un livre, Bon pied bon œil, qui permettait aux enfants de faire de l’activité physique par eux-mêmes et de voir leurs performances s’améliorer d’une fois à l’autre. J’ai eu la malencontreuse idée de le publier moi-même et cet ouvrage est pratiquement tombé dans l’oubli !

Après avoir fait tous les cours par correspondance offerts par André Passebecq et l’équipe de professeurs chevronnés qu’il dirigeait, je suis allé un été suivre sur place les cours pratiques qu’il offrait pour compléter et confirmer ce que nous avions appris dans les cours par correspondance. Nous apprenions, par exemple, les façons correctes de pratiquer la gymnastique oculaire, certains mouvements d’assouplissement, certains massages, que nous avions vus décrits dans nos cours. Passebecq était une encyclopédie vivante en santé par les méthodes naturelles. Conçue comme un stage pratique intensif, cette formation nous permettait de baigner et de vivre un mode de vie naturelle du lever jusqu’au coucher, des exercices d’étirement et de la vue jusqu’au chant et à la danse du soir.

J’ai donc obtenu mon premier diplôme de naturopathe chez Passebecq. La seule différence qui existait entre les hygiénistes et les naturopathes était la question des vitamines, minéraux et oligo-éléments et autres compléments alimentaires et Passebecq faisait bien cette jonction en recommandant l’usage modéré, ponctuel de certains compléments ; le fondement restait toujours l’hygiène naturelle.

À cette époque, s’est formée au Québec l’Institut de formation naturopathique. Je m’y suis inscrit ; plusieurs des cours que j’avais suivis pour mon diplôme précédent m’ont été reconnus. J’ai suivi les cours qui étaient exigés pour faire le programme complet menant au diplôme de naturopathe. En 1972, j’ai donc reçu mon diplôme de naturopathe et je suis devenu membre du Collège des naturopathe du Québec où je me suis engagé activement et où j’ai fait partie du conseil d’administration pendant plus de 15 ans. À cette époque, tous les membres du collège avaient à leur actif la publication d’un ou plusieurs livres traitant d’un aspect de la santé par les méthodes naturelles.

L’éducation à la santé

Je songeais alors à quitter l’enseignement pour faire de la naturopathie ma seule profession. C’était l’époque où la naturopathie devenait de plus en plus connue grâce à la publication de nombreux livres, articles et entrevues à la radio à la télévision, d’articles dans des journaux quotidiens et hebdomadaires. Les gens découvraient les méthodes naturelles de santé, appréciaient que les consultations coûtent de la moitié d’une consultation médicale et, qu’avant de se prononcer, un naturopathe prenaient deux fois plus de temps pour les écouter. Cependant, quand l’assurance-maladie est devenue gratuite, les gens ont rapidement déserté les cabinets des naturopathe pour courir vers un service qui ne leur coûtait rien.

De toute façon je n’envisageais pas de pratiquer la naturopathie en attendant dans un bureau qu’on vienne crier au secours pour guérir d’une douleur. Je concevais davantage ma profession comme celle d’un éducateur. Je suis devenu le président de la nouvelle association Nature-Santé. Pendant plusieurs années nous offrions des conférences, panels, causeries, etc. Nous avons rapidement abandonné le service de librairie car on pouvait trouver en librairie de nombreux ouvrages traitant des méthodes naturelles de santé. Bientôt même les conférences devinrent un mode passé d’éducation. J’ai donc alors conçu le site Internet nature–santé.org où j’ai déjà publié plusieurs centaines d’articles, plusieurs dizaines de recensions de livres, de films, de vidéos, etc.