J’ai rencontré Lucile Martin–Bordeleau après une émission de télévision ou, avec cinq autres octogénaires, elle avait révélé ses secrets de vitalité et de longévité.
Bonjour Lucile ! Mon attention a été attirée par ta photo et un article paru il y a quelques mois dans un journal où on te voyait en train de faire du porte–à–porte comme candidate conseillère municipale. Il y a plusieurs années que je l’avais rencontrée dans une de nos réunions d’associations de santé naturelle. J’ai trouvé que tu devais avoir pas mal d’énergie pour ce travail ; je sais un peu ce que c’est ayant accompagné des candidats à cette élection dans ma municipalité! Qu’est-ce qui t’a motivée à te lancer en politique ?
Je trouve que dans ma ville, depuis des décennies, les décisions sont prises par une petite clique de personnes composée des élus municipaux et des gros entrepreneurs. Plusieurs groupes de citoyens ont manifesté leur désaccord et leurs besoins pour leurs quartiers, mais ils n’ont pas été entendus. Avec mon fils qui s’est porté candidat à la mairie, j’ai décidé de me lancer dans la bataille pour donner une voix plus démocratique aux citoyens. Même si dans l’article du journal dont tu parles ils disent que je représentais les besoins des électeurs du troisième âge, en fait je me préoccupais de tous les citoyens.
Ce doit être un engagement exigeant ?
Je passe cinq heures par jour à marcher, monter et descendre des escaliers, parler aux gens. Quand j’ai fini ma journée, je suis bien contente de me reposer. Mais je crois sincèrement que cette cause en vaut l’effort.
Cela confirme que tu jouis d’un haut niveau d’énergie. À quelles autres activités te consacres-tu maintenant que les élections sont passées ?
Je fais des conférences sur différents facteurs de santé, j’écris des lettres aux lecteurs de différents journaux et je m’adresse par téléphone à diverses stations de radio : je crois que nous sommes chanceux de vivre dans une société démocratique et ouverte, et que nous devons en profiter pour donner notre opinion sur les sujets importants comme la santé, l’environnement, la démocratie, etc. De plus, je suis bien occupée à faire le ménage de ma maison, faire l’inventaire de tout son contenu pour la vendre. Je veux aménager dans une maison plus petite, ce qui correspond mieux à mes besoins actuels. Et surtout, je prépare mon grand voyage : à chaque année, je fais un voyage d’un mois dans un nouveau pays. J’ai ainsi visité la France, l’Égypte, Cuba, la Thaïlande, la Virginie, les îles de la Madeleine, que j’ai aimé découvrir en marchant.
Cela semble t’intéresser beaucoup. Ça fait partie de ta recette de vie longue et active ?
J’ai toujours aimé voyager. À 20 ans, je suis partie avec trois autres filles pour découvrir la France en auto-stop pendant trois mois. Je crois que c’est un de mes secrets de vitalité : me sentir libre et donner suite à mon goût de la découverte et de l’aventure… à risque calculé. À l’époque, partir en voyage en France, c’était peu conformiste, et j’étais mineure, mais je n’ai pas attendu la permission de mes parents ! Le contact avec des gens d’autres pays, d’autres cultures, d’autres mentalités me donne une stimulation bienfaisante intellectuelle, émotionelle et physique puisque dans un voyage nous marchons beaucoup et faisons diverses activités.
Tu te gardes active, si je comprends bien.
Active physiquement, je marche beaucoup, j’ai joué au tennis jusqu’à 75 ans. Je continue à jardiner. Active intellectuellement, je pratique ma profession, je vais souvent au théâtre, je lis des livres, notamment sur l’histoire. Je garde l’esprit clair et vif, ma mémoire est bonne. C’est précieux à tout âge!
Comment en es-tu venue aux méthodes naturelles de santé ?
Dans mon adolescence, j’ai étudié pour devenir secrétaire et c’est dans ce métier que j’ai gagné ma vie jusqu’à ce que je me marie. Puis j’ai eu plusieurs enfants, cinq garçons, dont l’un est un coureur de marathon et qui a écrit un guide d’entraînement et d’alimentation pour cette épreuve de grand fond, un autre qui est metteur en scène à Paris, etc. Pour leur assurer une saine croissance et leur permettre de développer leur potentiel physique et intellectuel, j’ai pris mon rôle de mère avec responsabilité. Je lisais et me documentais beaucoup. Je m’assurais que mes jeunes aient un déjeuner nutritif et une collation nourrissante et attrayante en revenant de l’école : je leur faisais une variété de jus de fruits et de légumes frais, qu’ils appréciaient avec appétit. J’ai maintenant cinq petits-enfants, mais je me garde bien d’empiéter sur la responsabilité de mes fils de les élever selon leurs convictions. Pendant que j’élevais mes enfants, je suivais des cours à l’université en arts, en lettre et en langues. Une fois mes enfants élevés je suis retourné aux études à temps complet. J’ai fait mon cours collégial en sciences de la santé. J’ai toujours obtenu d’excellents résultats, en étudiant soigneusement bien sûr et en mangeant peu avant chaque examen.
Et comment en es-tu venue à en faire une profession ?
J’ai rencontré mon mari sur une piste de ski alpin! Comme il travaillait comme intervenant paramédical et comme il avait commencé à étudier pour devenir naturopathe, j’ai trouvé ses études intéressantes et je me suis moi aussi inscrite à cette formation. Cela confirmait mes lectures et élargissait ma vision et ma pratique de la santé. Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai fait un peu de consultation individuelle, mais cela ressemblait trop au modèle médical, les gens attendent d’être malades pour venir consulter.
Comment as-tu orienté ta pratique de professionnelle de la santé naturelle ?
Je m’intéresse davantage à la prévention, l’éducation. Je préfère travailler à apprendre aux gens ce dont ils ont besoin pour être en santé et assurer le bien-être de leur famille. Je me suis en particulier intéressée aux saines combinaisons alimentaires. J’aime les petits moyens qui donnent de grands résultats : combiner différemment ses aliments, ce n’est ni compliqué ni difficile, et pourtant ça facilite grandement la digestion, économise l’énergie organique et permet souvent de se rétablir de différents maux et malaises. Par exemple, une femme s’est débarrassée de migraines chroniques en trois jours, un homme s’est rétabli d’un ulcère d’estomac en une semaine, simplement en combinant mieux ses aliments.
Oui, j’avais remarqué que tu as écrit plusieurs livres sur ce sujet. Écrire est pour toi une manière d’éduquer les gens à la santé ?
J’ai donné à l’éducation des adultes un cours de 10 soirées sur la santé. Les conférences, les entrevues à la radio et à la télévision et la publication de livres ont été mes moyens d’éducation privilégiés. Je communique souvent aussi avec les journaux, les députés, les ministres, pour faire valoir le point de vue des partisans des méthodes naturelles de santé. Si je recommençais ma carrière aujourd’hui, je serais sans doute présente et active sur Internet et les autres médias électroniques.
Tu as aussi dirigé un centre de jeûne pendant plusieurs années, si je me souviens bien ?
Oh oui! Toute une expérience. Avec mon collègue et mari, pendant six ans, nous avons tenu une maison de jeûne dans le cadre enchanteur des Laurentides. Nous pouvions y recevoir dix jeûneurs ; ils sont venus jeûner en général pendant deux ou trois semaines et quelques-uns jusqu’au retour de la faim, par exemple 42 jours. Le soir nous donnions aussi des cours sur la santé et avec ceux qui le voulaient et le pouvaient nous faisions des soirées récréatives avec des chants, des contes, des jeux de cartes.
Nous avons aussi eu un magasin de produits naturels pendant quelques années : c’était un excellent endroit pour enseigner la santé naturelle aux gens.
Tu as écrit plusieurs livres ?
Jusqu’à maintenant cinq livres. D’abord un livre théorique sur les combinaisons alimentaires, puis un livre de recettes basé sur les combinaisons, suite aux nombreuses demandes de lecteurs et lectrices, un autre sur les vitamines et les minéraux, pour vulgariser ses éléments nutritifs, et finalement, mon plus récent, Savoir vieillir en pleine santé. Évidemment, comme ce sont les questions que j’ai approfondies, les conférences qu’on me demande de prononcer tournent autour de ces mêmes sujets.
Et si tu devais résumer tes secrets de vitalité, quels conseils donnerais-tu aux gens qui veulent vivre en forme longtemps ?
D’abord, je ne suis pas forte sur les conseils. Je crois que chacun, chacune doit trouver sa propre voie, prendre ses propres décisions. J’ai toujours pris mes propres décisions depuis que j’ai l’âge de raison. Je crois que cette autonomie est essentielle pour vivre motivée. J’ai donné une place primordiale à la santé dans ma vie; je reste persuadée qu’elle est essentielle pour atteindre nos buts et réaliser notre potentiel. J’ai toujours été exigeante envers moi-même d’abord et envers les autres, surtout mes enfants, ensuite : j’aime le travail bien fait, soigné, rigoureux, exact : je crois que c’est une source de profondes satisfactions. Je ne cesse de m’émerveiller; tous les jours je vois de belles choses, je passe de bons moments. Les relations ont toujours tenu une partie importante dans ma vie : à la maison, nous fêtons joyeusement les anniversaires des membres de la famille et des amis.