Bois raméal fragmenté fertilise la terre

Les forêts naturelles croissent et se régénèrent elles-mêmes sans intervention humaine, sans fertilisants ni biocides. Leurs seules sources d’énergie sont le soleil et l’eau. La forêt est un organisme vivant et peut servir de modèle à la culture. Dans le sol en forêt se retrouve la plus grande biodiversité sur terre.

 

Le sol est vivant
La Terre est normalement protégée par son couvert forestier. Les forêts feuillues sont efficaces et durables!: elles résistent à de longues périodes de perturbations climatiques. La forêt se régénère avec ses feuilles, ses branches, ses racines et avec l’aide d’une multitude d’organismes vivants. Ce travail crée un humus stable. La dynamique de la vie est gérée par le sol. L’état physique des organismes du sol est une question de vie et de mort pour les plantes, les animaux et les humains qui en dépendent. La fertilité du sol provient surtout de la matière ligneuse des branches des arbres feuillus, avec les microorganismes qu’ils génèrent. Elle joue un rôle crucial dans la conduite de l’eau à travers les branches. Le sol forestier est durable.

Le sol agricole doit être fertilisé constamment. Le sol de la forêt feuillue offre une grande biodiversité. Les conifères ne sont pas propices à l’agriculture. En climats tempérés et froids, ils bloquent la formation du sol parce qu’ils produisent plusieurs inhibiteurs. En climats tropicaux la température élevée arrête l’effet inhibiteur. Dans une forêt de conifères les arbres meurent tous en même temps. Dans une forêt diversifiée, les arbres se régénèrent indéfiniment.
Le sol vivant, le bois raméal fragmenté et les champignons sentent bon. La puissance du sol se manifeste par la diversité des êtres vivants. Le bois raméal fragmenté aide à reconstituer le sol agricole. Les branches de chêne rouge, d’érable à sucre, de hêtre, de bouleau jaune, de tilleul et de frêne donnent de meilleurs résultats que les essences de moins bonne qualité comme l’érable rouge et le peuplier faux-tremble. Un mélange d’espèces donne des résultats positifs à court terme et à long terme.

 

L’évolution de l’agriculture
Les forêts feuillues ont créé le sol fertile sur lequel l’agriculture s’est développée. La méthode de culture sur brûlis a réussi au début de l’humanité moderne parce qu’elle laissait des périodes d’environ vingt ans sans culture, entre les nouveaux défrichages, périodes pendant lesquelles la forêt avait le temps de régénérer le sol dégradé. L’humanité a évolué parce que l’agriculture se pratiquait sur ces sols fertiles dérivés de la forêt feuillue.
Puis on a commencé à utiliser le fumier des animaux en pâturage, lequel donne de l’humus de courte durée. Le compost et les engrais verts utilisés en agriculture biologique maintiennent également la fertilité à court terme mais ne restaurent pas la fertilité du sol à long terme. Avec du fumier, les sols doivent être amendés à tous les ans ou tous les deux ans. Cependant, les sols auxquels on a ajouté du bois raméal peuvent rester fertiles pendant trois à cinq ans sans autre application et les effets de cet apport peuvent durer beaucoup plus longtemps.
Les nutriments minéraux causent de sérieux problèmes au sol. En particulier, les doses massives d’azote minéral introduites dans les cultures de maïs par exemple, ont détruit la fertilité et la structure du sol. L’excès d’azote minéral amène une activité excessive des micro-organismes qui consomment l’énergie accumulée dans les molécules organiques complexes riches en carbone et en azote organique. Une perte de carbone s’ensuit et les sols se dégradent.
Le sol ne se réduit pas à NPK (azote, phosphore et potassium) seulement! : des milliers d’organismes vivants peuplent le sol.

L’entretien du sol requiert une régénération complète de
tous les nutriments. Les méthodes biologiques et biodynamiques apportent des minéraux et des organismes vivants diversifiés. La technique de non-labour et les vers de terre aident aussi. Le compostage libère des minéraux mais n’initient pas une chaîne d’alimentation complexe capable de se régénérer. Seuls les végétaux à longue décomposition offrent cette possibilité.
Il y a une grande différence entre l’agriculture commencée sur des prairies ou sur un sol issu d’une forêt feuillue. Le sol forestier est dominé par les champignons alors que les sols agricoles fertilisés avec de l’humus de courte durée sont dominés par les bactéries. Les champignons continuent à se développer en hiver tandis que les bactéries s’enkystent. Les champignons, plus que tout autre organisme vivant, peuvent extraire l’eau interstitielle et élever le niveau de la nappe phréatique. Les champignons, et non les bactéries, sont au coeur du sol vivant. La même différence existe entre des cultures améliorées avec du compost, des engrais verts, des fumiers et des sols améliorées avec des rameaux d’arbres.

 

Investir dans la fertilité du sol
Le cycle naturel de vie du sol agricole doit être maintenu avec des additions à l’humus après que la culture précédente l’a amoindri. Ces apports constituent une nouvelle nutrition biologique et minérale pour la récolte suivante et ne peuvent pas être remplacés par des surdoses d’engrais chimiques qui sont nuisibles pour le sol. Il est possible de cultiver un sol agricole de façon à ce qu’il conserve les caractéristiques d’un sol forestier, dominé par les champignons, en utilisant des branches de bois raméal fragmenté. Pour une bonne fragmentation, les branches doivent être coupées avec un angle de 57 degrés et, si on utilise une déchiqueteuse, les couteaux doivent tourner à une vitesse de l2! 000 tpm par couteau, 6! 000 tpm pour deux couteaux, et ainsi de suite. C’est mieux de fragmenter les branches en longueur qu’en travers pour exposer le plus de moelle possible. Une fragmenteuse moyenne donne un mètre cube de bois raméal par jour. C’est mieux de louer une bonne déchiqueteuse une fois par année et de recevoir les branches coupées par un émondeur professionnel. Pour en assurer la biodiversité, nous devons fournir au sol de la nourriture provenant des forêts.

Les sols cultivés depuis longtemps doivent être débarrassés de leurs nitrates. Pour ce faire, une mince couche de bois raméal fragmenté frais (pas plus de 2,5 cm) est épandue sur le sol à l’automne, après la récolte, ou sur le sol gelé pour réduire le compactage. De cette façon, nous copions la nature qui intègre les branches et les feuilles tombées. Au printemps suivant, le bois raméal est incorporé aux premiers centimètres du sol; idéalement une légumineuse est semée et le sol n’est pas cultivé les deux années suivantes. Le paillis de bois raméal fragmenté est excellent également pour les jardins, les vivaces, les vergers, les plantations d’arbres et les haies. À une épaisseur ne dépassant pas 1,5 cm, il protège les plantes du gel et retient l’eau. Il contrôle l’érosion rapidement. Il stimule la vie du sol (vers et champignons) et augmente la fertilité 5 à 10 fois plus vite que le fumier, transforme l’azote minéral en azote organique. Cet azote sera retenu dans les premiers 15!cm du sol, là où les plantes en ont besoin. L’azote organique du fumier, des composts et du bois raméal est meilleur pour la nature que l’azote minéral. L’azote organique est naturel et se libère plus lentement dans le sol.

 

Résultats de 28 ans d’observation
Après avoir épandu du bois raméal sur le sol on voit les champignons l’envahir! : c’est normal et bénéfique. Ceci indique que le sol travaille. Apparaissent aussi des milliers de vers de terre couvrant le sol la nuit. Après plusieurs années d’application, le sol devient forestier et des salamandres apparaissent. La nappe phréatique s’élève jusqu’à 50 %. Le sol devient plus léger, prend une odeur d’humus forestier et a une couleur beaucoup plus foncée. Les sols sablonneux semblent répondre plus vite que les sols argileux.

Les rendements augmentent grandement avec des applications de bois raméal fragmenté pour toutes les cultures. Les tomates, poivrons, betteraves, maïs, fraises, framboises, groseilles prolifèrent. Les légumes-racines (carottes, betteraves, oignons, panais, etc.) sont beaucoup plus sucrés. Une exception! : le rendement des cultures de pommes de terre est moindre immédiatement après une application de bois raméal de peuplier. Il vaut mieux semer une légumineuse pour deux ans et semer les pommes de terre la troisième année.
Nous n’arrosons que rarement parce que le bois raméal retient l’eau dans le sol. Les plantes sont saines avec seulement des arrosages de temps en temps sur certaines plantes avec du purin de consoude et des saupoudrages de cendres de bois (lessis) sur les carottes et les rutabagas en août pour contrôles la mouche de la carotte.

 

Alliance forêt et champs
La forêt feuillue peut régénérer la richesse du sol. Il n’y a pas de différence fondamentale entre la composition des espèces forestières, animales et végétales; elles partagent en grande partie les mêmes sucres, les mêmes protéines et les mêmes lipides, et leurs mécanismes physiologiques réagissent tous de la même manière. La production et le maintien de l’humus stable dans le sol doit être le but premier de tout agriculteur. L’entretien et la protection du sol est un défi pour les humains et une nécessité absolue pour tous les êtres vivants.
Travailler avec la forêt et le sol contribue à la durée et à la continuité de l’humanité. Le sol aujourd’hui est la forêt d’hier et le sol de demain.

 

Pour en savoir plus
Des expériences concluantes ont été menées par l’Université Laval de Québec : cultures de pommes de terre, fraises, petits fruits et vergers au Québec, de tomates et aubergines au Sénégal, en République dominicaine et en Côte d’Ivoire, et de maïs et de seigle en Ukraine.
À l’Université Laval, Gilles Lemieux a créé un nouveau domaine en agronomie, la pédogenèse : processus naturel pour constituer et maintenir un sol. Céline Caron, Gilles Lemieux et Lionel Lachance, « Une redéfinition de la fertilité du sol », à paraître.
Voir: www.sbf.ulavall.ca/brf

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